Archive for the ‘Mobilités’ Category

Doing Germany 3 – Ruhr Trash

mercredi 30 juillet 2008

Doing Germany: 1- Le train de 4h30, 2- De Hagenow Land à Duchanbé

Andy Warhol + Photoshop = la Ruhr

Je regarde les gens assis en face de moi. C’est quand même assez fucked up. Le paysage, les gens… la banane bleue, c’est trash. En comparaison, Prenzlauer Berg, que je ne quitte presque plus (à part pour Mitte), est devenu en quelques années un endroit privilégié, peuplé de gens jeunes, chics, internationaux. J’ai fini par m’habituer à ce nouvel ordre esthético-social, qui cache son coté bourgeois derrière les cinq punks du Kaisers de la Schönhauser Allee. Ils sont là du matin au soir, assis par terre, avec leurs chiens, leurs instruments et tout leur attirail. Je leur donne une pièce ou une cigarette de temps en temps. En fait, mon esprit parano les soupçonne d’être payés par des promoteurs pour occuper le trottoir devant le supermarché, histoire de donner un cachet « alternatif » au quartier, et ainsi faire grimper les prix de l’immobilier. Sans eux, les bobos de toute l’Europe qui rachètent l’ex Berlin-Est rue par rue risqueraient de se méfier d’un quartier devenu vulgairement bourgeois. Les punks devant le Kaiser, c’est la caution bohème de Prenzlauer Berg.

Je pense à Daniel, qui crée des concepts de trash TV pour Bertelsmann, dans lesquelles on montre des beaufs qu’on beaufise à outrance à d’autres beaufs qui du coup se sentent moins beaufs. Imparable. Il est souvent venu par ici pour faire des castings. C’est effectivement un vivier de clients pour les émissions de télé-réalité. Les gens dans cette ancienne grande région industrielle d’Allemagne de l’ouest remplissent les critères communément admis de la beaufitude. C’est « bienvenue chez les Ch’tis » puissance 1000. Les mecs s’appellent tous Wolf, ont une coupe de cheveux à faire rougir d’envie Mc Gyver, 20 litres de bière en gestation dans le ventre, l’intégralité des albums de Scorpions, et, pour les plus riches, une Opel Calibra avec des jantes en alliage (J’ai honte mais j’ai jamais compris ce que ça voulait dire précisément « jantes en alliage »).

oh la belle caisse!

Ce qui surprend aussi chez les filles de la Ruhr, c’est leur couleur de peau, qui ne reflète pas du tout le climat local. L’été, elles sont bronzées car elles aiment s’entasser avec leurs compatriotes sur les plages de Majorque.

L’hiver elles sont également bronzées, car elles aiment le « Sonnenstudio », comprenez salon de bronzage. Il y en a à chaque coin de rue. C’est peut-être une réaction au passé nazi que de chercher à tout prix à imiter le style vulgo-cheap des niçoises. Je ne sais pas, en tout cas le résultat n’est pas top. Les niçoises non plus.

Je suis de meilleure humeur que dans le train de 4h30 et les clichés vivants qui occupent ce train me sont quand même bien plus sympahtiques que les Nouveaux Beaufs de Cabu (page 7 du Canard Enchaîné, Palais de l’Elysée…)

En gare d’Essen, c’est un capharnaüm. Le tableau des départs affiche des retards de 90 minutes sur chaque ligne. Des passagers vont et viennent dans toutes les directions, hébétés, à la recherche de trains dont personne ne sait s’il vont partir. Du haut des escaliers du hall, la scène ressemble à une fourmilière sur laquelle on viendrait de pisser. Des fourmis sous extasy. La plupart cherchent visiblement à se rendre à Dortmund. Et oui, il y a des gens qui veulent aller à Dortmund. Beaucoup, même. 1,6 million précisément ce jour là. C’est que dans la « RuhrMetropole » (ne riez pas), c’est la Love Parade. Le réseau de transport est paralysé.

Je ne suis pas en meilleure position que tous ces braves fêtards multicolores. Je dois rejoindre l’aéroport de Düsseldorf, à une trentaine de kilomètres de là. Dieu merci, c’est dans la direction opposée de Dortmund.

En attendant que l’organisation à l’allemande reprenne le dessus sur le chaos et que le réseau ferroviaire se débloque, je m’extraie quand même de la fourmilière pour voir à quoi ressemble Essen. On ne sait jamais, si ça se trouve, c’est joli.

Essen, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, 585.430 habitants

Alors que, enchanté par ce que je viens de voir, je reviens gaiement le plus vite possible à la gare, celle-est purement et simplement fermée par la police. Mon accent français n’attendrit pas les hommes en vert et bleu (ils refont la peinture en ce moment), ils ne me laissent pas passer. De toute façon, il n’y a plus de trains. Il y a limite de quoi devenir claustrophobe à Essen. Je m’imagine prisonnier, condamné à travailler à la mine du coin et finir ma vie ici.

Ni six moins cinq, ni dix moins huit, je jette un oeil à ma boussole au plan de métro et je prends au hasard la ligne 18, qui va vers l’ouest, à « Mülheim », ce qui signifie approximativement « Poubelleville » (non mais sérieusement, ils tendent le bâton ici…). Ca me rapproche, et au moins ça semble fonctionner. On verra bien là-bas. En fait de métro, c’est une Stadtbahn, enfin un tram quoi. Ca roule sur le terre-plein central d’une autoroute urbaine. Ce sont des chefs-d’œuvres d’urbanisme, ces autoroutes urbaines de la Ruhr.

Par je ne sais quel miracle, je finis par trouver un truc rouge sur des rails qui roule vers Düsseldorf. Adieu Dortmund, Essen, Mülheim, adieu la Ruhr…

En fait, je ne l’ai pas dit pour bien mettre l’accent sur le coté urbano-prolo-industrialo-vomitif de cette vallée, mais en réalité, c’est très vert la Ruhr. Partout, il y a des parcs, des forêts, de la vigne vierge qui s’épanouit librement sur les façades de brique rouge des usines désafectées. Par endroits, c’est presque bucolique. Voilà la vérité rétablie.

Doing Germany 2 – d’Hagenow Land à Duchanbé

lundi 28 juillet 2008

Le début du voyage est là

Deux trains plus tard, me voilà à la première étape de mon périple: Lübeck-Blankensee International Airport. Ou plus exactement sa gare. Ou plus exactement son quai, fraîchement inauguré. C’est peu charmant. Je me dis qu’il faut que je quitte cet endroit plus déprimant qu’un Houellebecq au plus vite, sinon ça n’est pas moi qui vais monter dans le prochain train mais l’inverse. Ils ont bricolé l’arrêt en six semaines et pour pas cher, même que c’est ça, l’angle de mon article.

Voilà comment on explique aux voyageurs le chemin pour l’aéroport:

Je questionne des passagers et des employés, qui me regardent comme un extra-terrestre. Ils se demandent bien en quoi leur aéroport, et à fortiori la gare de leur aéroport peut intéresser des français. Je suis pris d’un léger doute; quelque part, leur perplexité est justifiée, je trouve.

Le quai. Au fond, Lübeck sous le soleil

Le temps de prendre un café et un croissant au lounge de l’aéroport, mon train arrive. La ville de Lübeck semble plus jolie que son aéroport international. Dommage, je n’ai que vingt minutes pour m’y balader avant mon prochain train, pour la prochaine ville. Une grande ville.

C’est la première fois que j’y vais. Je récapitule les infos qui traînent en ordre dispersé dans ma tête, façon Julien Lepers.

« Top je suis la deuxième ville d’Allemagne, peuplée d’environ 1,8 million d’habitants. Sérieusement ravagée en 1943 par les bombes incendiaires de « l’opération Gomorrhe », mon nom n’a rien à voir avec le plat traditionnel américain. Grande ville portuaire, mon célèbre quartier rouge « la Reeperbahn » comprend une rue interdite aux femmes, hormis celles de mauvaise vie qui y travaillent, et ce dans l’Allemagne supposément féministe. Ville-État, dont l’exceptionnelle pluviométrie relègue Paris au rang de station balnéaire… je suis, je suis… »

Hambourg. le Port.

Les villes, c’est comme les gens. Avec certains, le courant ne passe pas lors du premier contact, avec d’autres, on est plus distant, plus dans l’expectative. Et puis il y en a avec qui, en cinq minutes, on sent les énergies converger et on qu’on va être amis pour la vie. Voilà, avec Hambourg c’était comme ça. Un sentiment diffus, qu’il y a quelque chose à vivre, ici, un jour.

Dans le train bondé pour Brême, coincé entre une famille turque à marmots braillants et un groupe d’erasmus espagnols, je me promets d’y retourner cette année.

J’ai passé une journée à Brême il y a quinze ans, lors d’un échange linguistique dans la ville voisine d’Osnabrück. Je n’avais pas été particulièrement impressionné par la qualité de l’architecture de la cité hanséatique. En effet, il n’y a pas de quoi. Je me souviens surtout que j’avais bien aimé les trams, partout. J’ai toujours bien aimé les trams. Ironie du sort, c’est précisément pour en photographier que je suis là, à 11h25 ce samedi matin, seul, et non au bar25 avec mes copains. Voilà, ça fait sept lignes sur Brême. Difficile d’en dire davantage.

Brême, le tramway pour l’aéroport

Après avoir dégusté de succulentes Penne Bolognese à 6€ au buffet de la gare, je saute dans le prochain train, direction Osnabrück, Münster, puis la Ruhr. Le RE 4465 file à travers la campagne Bas-Saxonne; des bois, des champs et des fermes, c’est joliment champêtre. Je me dis que les allemands sont quand même très forts. En effet, à coté des éoliennes omniprésentes, la plupart des fermes de cette région rurale sont équipées de panneaux solaires. Bienvenue au 21ème siècle! Je pense aux agriculteurs de « chez moi » dans le Loir-et-Cher. C’est pas demain la veille qu’ils installeront des panneaux solaires sur leur toit. L’Allemagne a cru aux énergies renouvelables il y a vingt ans, alors qu’en France on faisait des blagues sur l’écologie, et qu’on continue à en faire (Jean-Louis Borloo). Aujourd’hui, les allemands exportent dans le monde entier pour 980 milliards (!) par an,  en particulier leurs technologies vertes. En France, on vend (enfin on essaye) des centrales nucléaires à la Libye d’une main et on colmate Tricastin de l’autre. Cherchez l’erreur.

J’arrive à Münster, « la ville la plus vivable du monde » d’après une étude, connue non pas pour son fromage mais pour son goût du vélo (300 000 bicyclettes pour 270 000 habitants). Je fais un petit bilan. Ça fait neuf heures que je suis parti, j’ai parcouru près de 700 km et je m’apprête à prendre mon onzième train régional. Étrangement, ce voyage n’a rien d’ennuyeux. Avec toutes ces étapes, le temps passe très vite. Et puis regarder le paysage défiler avec la musique dans les oreilles, ça donne l’illusion saisissante d’être dans un film. C’est un peu l’aventure, comme dans l’excellent « Darjeeling Limited ».

Enfin presque. Ça reste quand même l’Allemagne, tous les trains sont partis pile à l’heure et aucun ne s’est perdu au milieu du désert.

Avec les TGV et autres avions long-courrier, on a peut-être oublié le coté délicieusement aléatoire du voyage. On monte dans un avion à Charles-de-Gaulle, on boit un verre de mauvais vin rouge, on ferme les yeux et quand on les rouvre on est à Pékin ou à Los Angeles. Et on a pas connu Hagenow Land.

Je révasse à un prochain voyage en Asie… Je prends l’Orient-Express jusqu’à Moscou, puis un autre train jusqu’à la mer Caspienne, que je traverse sur un bateau de pêcheur. Arrivé à Turkmenbashi, je loue une vieille Lada pour aller jusqu’à la frontière ouzbèque, où, faute de route je dois acheter un cheval pour rejoindre Duchanbé, au Tadjikistan. Après un arrêt chez le barbier, je revends mon étalon sur un marché et fais du stop jusqu’à l’aéroport. En attendant mon vol, je bois dix vodkas avec un vieux russe nostalgique du communisme, lequel s’avère être le pilote du Tupolev rouillé qui doit m’emmener vers Bangkok. Mais, à court de carburant, celui-ci se pose en catastrophe dans le nord de la Birmanie. Il me faut alors traverser la frontière chinoise clandestinement, déguisé en paysan. Arrivé exténué à Kunming, après six jours de marche à travers le Yunnan, je passe une quelques jours au Sheraton. Au bar, je rencontre Tracey Woods, une businesswoman américaine que je soupçonne de travailler pour la CIA. Nous vivons une courte, mais intense passion. Dans l’avion qui m’emmène à Hong Kong, je me retrouve par hasard assis à coté un ami d’enfance, dont le père est Consul de France à Hongkong. Il m’invite à une réception le soir même, l’occasion de constater que rochers Ferrero et vodka-martini se marient à la perfection…

Duchanbé

Je suis dans le train pour Essen. Il y fait un peu froid à cause de la climatisation. D’après les cours de géographie de seconde, je m’apprête à pénétrer dans une énigmatique banane bleue

Doing Germany 1 – Le train de 4h30

dimanche 27 juillet 2008

Sur les escaliers qui descendant vers le quai du S-Bahn, chaque marche ou presque est ornée d’une élégante flaque de vomi. Il est 4h06, la nuit a été arrosée.

Dans le train de 4h30, c’est le cirque. Des mecs en survêtement et casquette vont et viennent, une bouteille de Sternburg à la main. Les filles qui les accompagnent, sont blondes, grosses, et moches. Elles sont occupées à s’engrosser encore davantage en se perfusant du Mc Donald’s. Le train va jusqu’à Wismar, quelque part dans le néant culturel et urbain qui encercle Berlin. « L’Allemagne-d’en-bas ». J’ai pas encore dormi, et observer les reliquats de ce qui était sensé être, à une époque pas si lointaine, la race supérieure, ne me fait rire que cinq minutes. J’essaie d’être tolérant, je me dis qu’ils n’ont pas eu de chance, qu’ils ont grandi dans le Brandenbourg avec des parents communistes et Helmut Kohl comme chancelier. Je me dis qu’au moins ceux-là prennent le train de 4h30 pour rentrer à la maison. Ils n’iront pas encastrer leur voiture tunée dans un des platanes bordant les routes du coin. Il est bien ce train, il sauve des vies. Quoique. La société se porterait elle plus mal si le train de 4h30 n’existait pas? Faut-il vraiment de tout pour faire un monde?

Au fond, je suis un pur produit de l’individualisme. Je veux façonner mon monde à moi, un monde qui me plaît esthétiquement. Je veux pouvoir braquer les projecteurs de ma perception sur ce qui me semble avoir du sens et laisser les buveurs de Sternburg dans l’ombre. Je fais hurler Kate Bush dans mes écouteurs et jette un œil par la fenêtre.

Je me dis que ça n’a pas du être bien compliqué pour les russes de traverser, vengeurs, les plaines de Poméranie. A coté, la Belgique, c’est les Alpes. S’il n’y avait pas eu l’Elbe, ils auraient peut-être atteint Hanovre, Cologne ou Bruxelles. Je sors mon livre, page 78.

« Après notre mariage, pendant ces deux années qu’il a passées sans militer, il a beaucoup écrit et il était heureux. Mais d’abord, l’était il? Ça m’arrangeait de le croire; et jusqu’à cette nuit, je n’ai jamais osé épier ce qu’il se dit seul à seul. Je ne me sens plus très sûre de notre passé. S’il a voulu si vite un enfant, c’est sans doute parce que je ne suffisais pas à justifier son existence; peut-être aussi cherchait il un revanche contre cet avenir sur lequel il n’avait plus de prise » Je replace mon marque-page page 78 et ferme les yeux. Ils refusent de lire, et mon Être quant à lui refuse de se sentir femme.

Quand je me réveille, je suis là:

On ne se rend peut-être pas bien compte en photo, mais quand on est vraiment à Hagenow Land un samedi à 6h26, à attendre la correspondance pour Büchen, on se sent comme… Hmmm, comment exprimer ce sentiment? Enfin je veux dire, ce sont des choses qu’il faut avoir vécu au moins une fois dans une vie. Le véritable exotisme au fond, c’est peut-être Hagenow Land.

à suivre.

Mise en sevice du TGV Est

dimanche 10 juin 2007

Aujourd’hui, le nouveau TGV Est a accueuilli ses premiers passagers, parmi lesquels François Fillon et Alain Juppé (venus tous deux en avion…). Un beau projet, mais qui souffre de nombreuses (et coûteuses) incohérences. Bon c’est tout de même pas une mauvaise chose de jeter de nouveaux ponts entre la France et l’Allemagne.

Bref, c’est l’occasion de ressortir un papier que j’avais écrit il y a un an pour la Gazette. Je l’ai relu ce matin, il est toujours globalement d’actualité. Ah oui parce que pour ceux qui l’ignoraient, à la base, mon truc à moi pour de vrai, c’est les questions de mobilité. D’ailleurs j’aimerais bien une fois bosser dans mon domaine. Mais bon ça c’est une autre question.

 Le TGV Est-Européene ou les errements de la coopération franco-allemande

Outil privilégié de l’aménagement des territoires, le TGV part à la conquête de l’est…de la France. Si le projet a eu le temps de mûrir au cours de longues années d’incertitudes, le résultat demeure imprécis. A l’image de la collaboration franco-allemande

 

Depuis 30 ans, on évoque le projet. Finalement, après le Sud, l’Ouest et le Nord, l’Est de la France va avoir « son » TGV. L’occasion de désenclaver des régions jusqu’alors difficiles d’accès, comme la Meuse ou la Moselle, mais aussi de mettre à moins deux heures de la capitale les grands centres urbains que sont Nancy, Metz et Strasbourg.

 

Carte TGV estDès juin 2007, les trains fileront à 320 km/h à travers la Champagne et la Lorraine. L’investissement, massif, s’élève à 5,1 milliards d’euros, dont un milliard pour l’achat de nouvelles rames de TGV. Il est supporté aux trois quarts par l’Etat, la SNCF et le RFF (Réseau ferré de France, gestionnaire du réseau). Et pour la première fois dans ce type d’infrastructure, les collectivités locales (régions, département, villes) ont mis la main au portefeuille. Lassées par trois décennies d’attente, elles ont dû se résoudre à un sacrifice financier de 736 millions d’euros pour que le projet puisse enfin être lancé.

 

Devant la multiplication des acteurs, la recherche d’un consensus s’avère toujours laborieuse et induit son lot de coûteuses incohérences. Comme la guerre de clocher entre Metz et Nancy pour savoir laquelle verrait passer le train. Finalement, la ligne évitera les deux villes pour ne pas faire de jaloux. Et à l’heure où l’Allemagne mise sur la complémentarité train-avion en implantant des gares au cœur des aéroports, les TGV vers Strasbourg frôleront celui de Metz-Nancy, sans s’y arrêter. Il a été décidé de construire la gare commune aux deux villes à dix kilomètres des comptoirs d’enregistrement.

 

Une gare qui pourrait d’ailleurs n’être que provisoire. Des études ont en effet été lancées pour la création d’un deuxième arrêt, à douze kilomètres du premier. Il aurait l’avantage de permettre la correspondance avec le « Metrolor », le RER lorrain. Enfin, et c’est désormais un classique des lignes à grande vitesse, le TGV-Est aura sa « gare des betteraves » pour desservir la Meuse, située au milieu des champs, à trente kilomètres de la première agglomération. Les 40 000 voyageurs annuels attendus dans cette gare (sur 11,5 millions pour l’ensemble de la ligne) ne disposeront que de deux trains directs par jour vers la capitale.   

 

Outil d’aménagement du territoire, le TGV-Est se veut aussi un trait d’union vers l’Europe, d’où son appellation de TGV « Est-européen ». Mais là encore, le bât blesse. L’interconnexion avec le réseau de trains à grande vitesse allemand (ICE) n’est vraiment pas optimale, la faute à trente années de manque de coordination entre les deux pays.

 

Le tracé du TGV-Est reliera à terme Paris à Strasbourg, qui s’est endettée pour boucler le financement du projet. Puis il traversera le Rhin sur un pont flambant neuf qui le mènera…au cœur de la Fôret Noire. Ce détour de près de 200 kilomètres interdit de fait toute liaison rapide vers Stuttgart et Munich, sans parler de Vienne ou Prague. Il faudra par ailleurs pas moins de 3h45 pour aller de Paris à Francfort.

 

C’est la société Rhéalys, basée à Sarrebruck, qui sera chargée d’accorder les violons français et allemands pour faire rouler les trains internationaux. Il s’agit d’une société commune des chemins de fer allemand, français, suisse et luxembourgeois. Mais avec la concurrence entre ICE (Siemens) et TGV (Alstom) comme musique de fond, les modalités de l’exploitation sont assez floues (voir ci-contre).

 

Tout juste sait on que les passagers de la ligne Paris-Francfort devraient voyager en ICE, tandis que ceux qui se rendront à Stuttgart voyageront en TGV. Avec en ligne de mire, la cruciale libéralisation totale du transport ferroviaire en Europe, prévue pour 2011, qui risque fort de placer la Deusche Bahn et la SNCF en situation de concurrence permanente. Les aléas du TGV Est-européen ne sont encore que les premières notes discordantes de cette mesure, qui fera assurément beaucoup de vacarme en Europe dans les années à venir.  

 

Constant von Meerkamp (A.K.A moi)

 

Article paru dans la Gazette de Berlin n°2 du 15 juin 2006